Barque du Léman, 1:220

par Javier Baron Jeu 26 Aoû 2021 - 18:01

Le lac Léman est le plus grand lac d'Europe occidentale. Elle est située au nord des Alpes, entre la France et la Suisse, au carrefour de deux grands axes de communication qui relient la Méditerranée et l'Adriatique à l'Europe du Nord.

Venant de Marseille, les marchandises de l'Est ainsi que les produits provençaux (vin, sel, huile d'olive...) remontaient le Rhône jusqu'à Seyssel, limite nord du cours navigable du fleuve. De là, ils passèrent par la route jusqu'à Genève. Pour poursuivre leur route, ils sont embarqués à Morges et débarqués à nouveau pour rejoindre, transportés par voie terrestre, le réseau fluvial qui les conduit vers le bassin rhénan en passant par les lacs de Neuchâtel et de Bienne, accédant ensuite à l'Aar, affluent du Rhin. Au XVIIe siècle, de Marseille à la mer du Nord en passant par Genève, sur une longueur totale de près de 1600 km, la voie navigable n'est interrompue que sur 70 km, avec seulement deux ruptures de charge.

Une autre route, qui passait par le port de Gran San Bernardo, servait au transport de produits précieux d'Orient (soie, épices, parfums, porcelaine...), en provenance de Venise et de Gênes. Ce trafic s'effectuait à l'est du lac vers les villes côtières, puis au nord et à l'ouest via Morges ou Genève, et s'est poursuivie vers Lyon, la Bourgogne et la Champagne.

Les productions locales s'exportaient aussi par voie fluviale : ainsi, les fromages de Gruyère, conditionnés en fûts et destinés à la Marine française à Toulon, traversaient le lac entre Vevey et Genève.

De plus, il y a toujours eu un important trafic local, tant dans le sens longitudinal que transversal du lac : produits alimentaires, bois de chauffage et matériaux de construction, bétail et passagers. La navigation du lac avec des bateaux adaptés au trafic de produits et de marchandises a une longue tradition historique.

Le transport par eau était particulièrement adapté aux matériaux les plus lourds : sable, graviers, pierres à tailler ou de parement et chaux de la rive sud-est où de nombreux fours, implantés sur la rive, profitaient de la proximité du calcaire et du bois nécessaire.

Le modèle actuel est la reproduction d'un des bateaux lacustres essentiellement dédiés au transport de matériaux de construction.

L'exploitation des carrières de la Meillerie, au début du XIXe siècle, fut à l'origine de l'apogée des bateaux lémaniques, jusqu'à leur disparition lors de la Grande Guerre.
Paradoxalement, c'est la construction d'une route, concurrente directe de la route des lacs et contemporaine du développement des grandes villes fluviales comme Montreux, Vevey, Lausanne et Genève, qui a déclenché les grandes heures des bateaux lémaniques (que l'on appelait parfois « Barcas de Meillerie ») car ils se sont avérés être le moyen de transport le plus efficace et le plus adapté pour transporter les matériaux de construction lourds utilisés dans la construction de ces nouveaux centres urbains.

De plus, ces bateaux assuraient le transport maritime et le transit des marchandises entre les différents ports du Léman.

Avec des largeurs de sept à neuf mètres et des longueurs pouvant atteindre trente-cinq, ces navires pouvaient transporter jusqu'à 180 tonnes par sortie, avec un fond plat et un tirant d'eau réduit compris entre 0,5 et 1 mètre.

Les bateaux avaient deux mâts avec des bâtons portaient tout un ensemble de voiles latines très verticales. Une caractéristique typique de ce gréement lacustre est que grâce à cette verticalité les filets n'empannaient pas et étaient toujours maintenus à bâbord du mât. Parfois, ils montaient aussi un foc d'amure sur un beaupré.

Par temps calme, ou lorsque les vents étaient contraires, différents systèmes étaient utilisés pour déplacer le bateau :

Aux abords de la côte, le bateau était tiré au moyen d'un câble par les hommes de l'équipage, qui l'accrochaient à une sangle autour de leur torse, tandis que le skipper restait à la barre. Le câble était fixé dans la partie supérieure de la perche à cliquet, ce qui permettait d'éviter d'éventuels obstacles. Jusqu'à la fin du XIXe siècle, un chemin de halage déboisé existait autour du lac à cet effet. Ce n'est que lorsque ce chemin est interrompu par trop de jardins privés que les bateaux sont équipés d'une quille suffisamment large pour pouvoir se ceinturer le plus possible contre le vent.

Dans les eaux éloignées de la côte, le « naviot », un solide bateau à fond plat, servait à remorquer le bateau à la force des rames.

Dans les eaux peu profondes, comme dans les ports ou en rade de Genève, on utilisait des « bandes », de longs poteaux de fer de 7 à 9 mètres qui s'appuyaient sur le fond tandis que l'équipage se déplaçait à travers les faux, les plates-formes latérales que le bateau a en grande partie de sa longueur à la hauteur de la couverture cadeau.

Traditionnellement, la quille était en sapin blanc du Jura. Les cadres, espacés de 40 à 50 cm, étaient en chêne de 10 à 14 cm d'épaisseur, ainsi que les barreaux ou lattes, ces dernières parfois en châtaignier. Des chaînes transversales sous le pont reliaient les ceintures latérales bâbord et tribord pour empêcher la coque de s'ouvrir sous des charges allant jusqu'à 180 tonnes. La poupe était plate et était attachée à la quille, comme l'étrave, par des attaches en chêne. Le pont, équipé d'abrupts, avait également une tonture très élevée à l'avant pour permettre le passage de vagues allant jusqu'à 1,5 mètre. Les virures de la doublure en sapin blanc de 8-14 cm d'épaisseur sur les fonds puis en mélèze pour les côtés, diminuaient d'épaisseur avec la hauteur. Les flancs très raides, entre 40 et 45 degrés, permettaient d'augmenter la stabilité sous charge, compensant ainsi le centre de gravité plus élevé dû à la charge sur le pont.[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]